jeudi 28 février 2008

Un peu de lyrisme à Tor Vergata

"On a besoin d'une voix masculine, vous accepteriez de lire quelques poèmes?" Et me voilà embarqué dans la préparation d'un colloque sur la traduction de la poésie.

Deux poètes espagnols Antonio Gamoneda (Prix Cervantes en 2006, considéré comme le maître encore vivant de la poésie espagnole, en clair un dieu vivant) et Juan Carlos Mestre (on va dire le numéro 2). Pour l'occasion les étudiants de master ont planché sur la traduction en italien d'une dizaine de leurs œuvres. Et nous avons présenté le tout lors de la rencontre qui s'est tenue hier soir et ce matin. Lire de la poésie, c'est déjà pas évident, dans une langue étrangère, ça se corse mais alors avec le poète à côté, je vous raconte pas. Ou plutôt si...

Passé les remerciements à l'université de Tor Vergata sans qui l'organisation de ce colloque aurait été inimaginable (ah!), à l'Instituto Cervantes de Rome, sans qui l'organisation de ce colloque aurait été impossible (nooon!), au Professeur Machin de l'université de Turin, au Professeur Truc de l'université de Palerme (un quart d'heure par biographie) qui ont taaaaant apporté à l'étude de la poésie espagnole en Italie... Sans oublier les stars locales de Tor Vergata qu'il ne faut plus présenter mais quand même.... allez! Dix minutes de présentation par personne. Ensuite on s'entrecongratule... Bref, une heure dans le vent...

Ensuite chacun des prof commence à raconter sa vie, ce qu'il pense de la traduction (et qu'est-ce qu'on s'en fout de ce qu'il en pense d'ailleurs?). La plupart lise leur feuille, ça donne envie de dormir. Heureusement, on a les bonbons siglé "Instituto Cervantes" (wahou le sponsor!) pour nous occuper, on fait passer la corbeille, "sur quoi t'es tombé? Orange? Moi, fraise, tiens.... Oh zut, il n'y a pas de menthe" Bref, Deux heures plus tard, tout le monde est affalé au fond de son fauteil, Alessandro (l'autre voix-mâle) regarde sa montre, aïe, c'est mort pour le match de foot de ce soir...

Vers 20h, soit l'heure à laquelle on devait finir, on s'attaque finalement à ce qui nous intéresse (enfin...) la poésie de Juan Carlos Mestre. Il nous lit, pardon il nous déclame quelques poèmes et là, Mesdames et Messieurs le silence dans la salle. Tout le monde s'est réveillé, a la bouche grande ouverte, on n'entend même plus le bruit de l'emballage des bonbons sponsorisés par Don Quichotte. Ce type a une voix de fou, il s'est complètement approprié son œuvre (et pour cause). En gros, il chante sa poésie. Maintenant plus personne ne pense à partir, tout le monde veut l'entendre encore une fois... deux fois... trois fois... peut-être plus et toujours ce même silence. Tout d'un coup, on nous rappelle à l'ordre, "c'est aux étudiants de lire maintenant". On jette un coup d'oeil à l'ordre, ah bah, c'est Philippe qui s'y colle pour le premier... On me tend un micro et voilà que tout les regards se braquent sur moi... Franchement, je me suis senti nulissime à côté de lui.

Pour les hispanistes, je vous fais partager un de ses poèmes que j'ai lu et qui m'a plu (Oh! Je me mets à parler en rime moi aussi)

Sucede, de Juan Carlos Mestre


sucede que un día viene a cenar apollinaire y no hay nada en la nevera
sucede que nuestra conversación es gratis como propaganda a la salida del metro
sucede un arma corta calibre veintidós y un centímetro cúbico de carruseles belgas
suceden los maniáticos minutos los maniáticos segundos las maniáticas horas
sucede un aroma caliente en las calabazas de pentecostés
sucede un yacimiento de icebergs en la vajilla rota del último sueño
sucede el tic sucede el tac sucede veronal en los relojes viejos
sucede que hay alquimistas en las primeras lluvias
suceden pájaros trompeta mariposas rubias jóvenes anillos de leño
sucede un funicular entre la aurora boreal y los maizales del club paraíso
suceden altavoces de verbena en el deshielo de las pompas fúnebres
suceden vientos niños en las heladerías que soñó petrarca
sucede que al otro lado del teléfono vive acacia de madagascar
sucede la oreja del nautilius en el buzón de las nieves astutas
sucede un centavo de ruiseñor en el monedero de la dormición de la virgen
suceden lágrimas populares incompatibles con el binóculo
suceden manos que cuidan del esparto en el mausoleo de lenin
sucede el extintor de las rosas en el cortejo de las siemprevivas
sucede el apostolillo verde de los semáforos
sucede que voy a contarte las cosas de mi vida tal como eran
sucede un telegrama de nitroglicerina en tu lápiz de labios
sucede que yo te quiero un noventa por ciento más que tu novio.

Bon, en bref, je suis le nouveau fan de ce poète!

Ce matin on passait aux choses sérieuses avec le grand « Maestro » (tout le monde l’appelait comme ça). Le ton est différent, plus de biographies sans fins, on est dans la bibliothèque de la fac, les gens se mettent à genoux quand il commence à parler et moi, je m’endors… Il a une voix super monotone, en plus on est derrière lui ce qui ne facilite pas la compréhension. Lui, il rentre dans la catégorie des poètes qui ne savent pas lire la poésie ; ils seraient d’ailleurs une majorité selon ma prof de littérature espagnole…. Comme la veille, arrive le moment fatidique de la lecture … Je me retrouve à lire un sonnet, trop de la balle !... Je le fais partager aux hispanistes… et aux autres naturellement…

Aquí hubo un amor, hubo una impura
floración de la sangre enamorada,
pero la sangre más desesperada
no tiene un fuego en que incendiar tu hondura.

Como un ángel te vas, como la oscura
juventud del dolor; como una espada
de amarguray de viento, derrotada
por el hierro y la sed de la ternura.

En ti acaba la noche, en tu ribera,
el agua amante y la pasión mordida,
y, en tu boca, mi boca verdadera.

Únicamente porque muere, canta
mi palabra desnuda y retorcida:
hacia ti, como un puño, se levanta.

Le colloque se termine, et on passe aux photos ! Et oui, nous sommes les nouvelles stars de la poésie maintenant ! Alors, d’abord les poètes, puis les poètes et les profs puis, les poètes, les profs et les étudiants, maintenant sans les profs, avec la directrice du Cervantes, c’est mieux… Bref, si j’arrive à mettre la main sur les photos, je les mettrai en ligne.

J’avoue que je suis quand même allé faire signer mon programme (ah oui, on a eu le package Instito Cervantes et tout). Comme a dit Ricardo, un autre étudiant en espagnol, ce poète n’est pas tout jeune, s’il meurt, notre programme prendra de la valeur !

Bon sérieusement, je ne suis pas très sensible à ce genre de cérémonie où on répète 100 fois qu’on n’est les meilleurs et que Dieu est encore plus grand que tout le monde. Antonio Gamoneda, ok, il a eu le prix Cervantès, beato lui, comme on dirait ici. Maintenant, j’ai préféré la simplicité du poète d’hier qui aurait lui aussi son prix Cervantès un de ces quatre, j’en suis certain… !

6 commentaires:

Maï a dit…

Je déteste aussi ces "je ne vous ferai pas l'affront de vous expliquer ... oh, et puis si" et autres "juste 2 minutes pour vous rappeler ce concept" et un quart d'heure après, on y est toujours !

J'attends avec impatience ta photo avec Juan Carlos Mestre ! :-D

Flam' a dit…

Tu connais Juan Carlos?

Maï a dit…

Moi ? Heu, non, pas du tout... Mais ça a l'air d'être une star ;-)

Anonyme a dit…
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Anonyme a dit…
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